« C’est pas si fastoche d’arrêter cette putain de came en vente libre
y faut une sacrée volonté une détermination terrible… »
Ça, c’est ce que je chante ! Et puis j’ai lu Le piège fatal offert
par un pote satisfait d’avoir vu sa copine écraser son dernier
« clou de cercueil » en fin de lecture.
« Crois-moi, m’avait-il dit, si elle a réussi à s’arrêter et sans mal,
tout le monde le peut ! »
C’est ce que je disais à tous mes potes à chaque fois que j’ai
arrêté plus de quelques jours. Eh oui, c’est vrai qu’il est très facile
d’arrêter ce poison, la vraie difficulté est de ne pas reprendre…
Personne n’est jamais mort d’arrêter de fumer. Personne ne
souffre. Ça fait même pas mal ! Un léger malaise à peine plus
désagréable qu’une faim ou une soif non rassasiée et qui vous
vient toutes les heures avec un pic difficile de trente secondes.
Boire un verre d’eau, parler d’autre chose et c’est reparti pour
une heure de liberté. Au bout de quelques jours, a fortiori de
quelques semaines, ces « malaises » se font de plus en plus espacés,
de plus en plus rares, l’organisme est débarrassé de la nicotine,
la dépendance n’est plus qu’une mémoire, mémoire des
faux plaisirs que la cigarette procure, le premier et le seul de
ces plaisirs étant de satisfaire le manque que la cigarette précédente
a créé.
Si personne n’est mort d’arrêter de fumer, en revanche un
fumeur sur deux est mort ou mourra prématurément de cette drogue
sociale en vente libre. Cent millions de morts au XXe siècle,
un milliard prévus au XXIe.
J’ai mis quinze jours pour lire ce roman, peut-être parce qu’il
est dense, mais sans doute aussi parce qu’à chaque page des informations
plus ou moins méconnues contribuaient à ébranler mes
dernières raisons de fumer.
J’avais envie de connaître la fin de l’histoire et j’avais aussi
envie de ne pas savoir, tout comme un fumeur veut arrêter tout
en souhaitant intimement continuer.
Il y a vingt-cinq ans que j’ai décidé d’arrêter. Compter les tentatives,
c’est risquer le tournis…
Un jour, j’ai « tenu » un mois… 60 cigarettes par jour, 20 taffes
environ chacune, c’est 1200 gestes quotidiens qu’il m’a fallu
remplacer, oublier. Croyez-le ou non, au bout de deux jours je
n’avais plus envie. Plus envie physiquement, du moins… Je n’en
avais plus besoin non plus. Je ne sais même pas pourquoi j’ai
repris. Pour le geste, probablement… Ce geste ridicule que les
ados s’imaginent classieux, adulte, preuve selon eux d’autonomie,
de liberté, ce geste que Sharon Stone veut faire croire qu’il est sexy
ou glamour, De Niro qu’il est viril, Gainsbourg qu’il est bohème
alors qu’il n’est que ridicule.
Ce n’était pas non plus une histoire de volonté ou de manque
de volonté, les gros fumeurs n’en manquent pas : ressortir de chez
toi à 2 heures du matin pour trouver un tabac ouvert quand t’es
en manque, il en faut de la volonté…
Je chante que je veux arrêter par jalousie, afin de conserver
Romane le plus longtemps possible et pour moi tout seul. Et
pourtant je continuais.
Mais avec Le piège fatal, j’ai grandi. J’ai refusé de continuer à
me comporter comme une m… manipulée par la maffia du
tabac. Moi qui lutte contre toute forme d’esclavagisme, pour
l’écologie, moi qui suis amoureux de ma femme, de mes enfants,
de la vie, je ne pouvais plus continuer, ressembler à Tu, le héros
de ce livre, et devenir une victime supplémentaire d’une industrie
qui a tué en 2005 plus de 5 400 000 fumeurs et quelques centaines
de milliers de non-fumeurs. J’ai donc arrêté. Et pour de
bon cette fois.
Le piège fatal raconte l’histoire d’un jeune fumeur, avec la
multitude des arnaques de l’industrie du tabac pour le séduire,
l’enfermer et le conserver jusqu’à ce que mort s’en suive. J’ai
suivi, j’ai été terrifié.
Vous suivrez au quotidien et de l’intérieur cette aventure peu
banale et vous n’en sortirez pas indemne.
Toute lectrice, tout lecteur aura vite compris que si l’industrie
du tabac nous a vendu ses clopes comme une manifestation
de rébellion, toutes les fumeuses, tous les fumeurs ont en réalité
fait un acte de soumission, ont montré leur faiblesse, ont abdiqué
face au marketing hypersophistiqué de l’industrie du tabac.
S’être fait pigeonner est une chose, et je sais de quoi je parle
(j’ai moi-même été soudoyé naguère par la Seita), continuer en
est une autre.
L’industrie du tabac est richissime grâce à la corruption, à la
contrebande, aux manipulations des États et des êtres, aux manipulations
chimiques, psychologiques, etc. Elle a les moyens de
se payer les meilleurs cerveaux prêts pour quelques centaines de
milliers ou millions de dollars à favoriser une machine à tuer : pratiquement
une « solution finale » annuelle. Vous avez dit génocide :? Moi, oui.
Le chiffre d’affaires de l’industrie du tabac est supérieur au
P.N.B. de 180 pays sur les 205 que la planète en compte.
Fumeur, tu veux punir l’industrie du tabac ? Le plus efficace
est de cesser de fumer. Fais-toi aider, ce n’est pas une tare !
Si ces quelques lignes permettent ne serait-ce qu’à un seul lecteur
de ne pas tomber dans le piège ou d’aider à l’en sortir, elles
auront été utiles.
Et je suis certain que ce seront des milliers qui en profiteront.
Le 23 octobre 2006
(Dossier 07-001 - 2007-01-25)